Ils ont été observés, de loin, pendant un mois et demi et ils auront été à l’origine d’un véritable roman-feuilleton jusque dans les médias sociaux. Les trois bébés faucons qui ont vu le jour au 32ème étage de Place Victoria début mai, ont en effet monopolisé beaucoup d’attention.
Pourquoi tant d’intérêt? Il faut savoir que le faucon pèlerin (falco peregrinus) est une espèce protégée au Québec et que l’arrivée d’oisillons en milieu bâti entraîne automatiquement le déclenchement de mesures de protection, pour laisser le temps aux fauconneaux de se développer et leur permettre d’apprendre à voler. Il fallait donc élaborer rapidement un plan de contingence et agir avec une très grande bienveillance pendant ces six semaines de développement.
Leur croissance a été suivie en direct depuis le début et des mesures de protection ont rapidement été déployées par notre fournisseur, Maçonnerie Rainville et Frères (MRF), en collaboration avec l’organisme Environnement Faucon, afin de monitorer attentivement la situation.
Ce n’est pas la première année que des faucons viennent nicher au 32ème étage après leur migration hivernale. Au fil des ans, des ornithologues amateurs qui travaillent à Place Victoria ont pris l’habitude de les observer et de partager l’information avec les groupes spécialisés dans les médias sociaux. Mais depuis deux ans, aucun faucon pèlerin n’avait été vu à Place Victoria.
Des parents déterminés
Cela dit, les parties ouvertes des étages mécaniques avaient malgré tout été protégées par des filets depuis le début du chantier de rénovation, justement pour décourager d’éventuels faucons pèlerins de s’y établir, mais il semblerait que cette année, ces parents astucieux et déterminés se soient installés directement sur le très mince rebord d’environ 40 centimètres qui fait le tour de l’étage, aucunement intimidés par les travaux de rénovation qui battaient leur plein depuis plusieurs mois.

Sarah Gagnon, biologiste et chargée de projet chez Environnement Faucon, explique que normalement, les parents veulent nicher à l’abri, le plus haut possible. « Les couples recherchent une très grande hauteur et aussi une bonne largeur, pour ne pas que les œufs roulent en bas du nid, avec un bon substrat pour couver. Nous étions un peu surpris de voir qu’ils avaient choisi cet endroit exposé dont le rebord métallique est très étroit ».
Disons que le domicile du couple a provoqué la surprise de plusieurs personnes, à commencer par Diane Duhamel, adjointe administrative chez Fasken, qui entendait très bien les oisillons huir très fort depuis son bureau, situé juste au-dessus du nichoir au 33ème étage.
Du coup, l’arrivée des fauconneaux a défrayé la chronique à quelques reprises dans les médias sociaux et suscité une certaine spéculation face au bien-être de la famille, mais les expertes de Faucon Environnement estiment que les jeunes ont commencé à voler par leurs propres moyens à la date prévue, sans précipitation, en concordance avec leur calendrier normal de développement.
Curieux mais pas stressés
Au courant de sept demi-journées d’observation, les biologistes ont en effet constaté que la famille ne semblait pas stressée par les mouvements de la plateforme élévatrice et que les parents s’occupaient bien des fauconneaux. « Notre biologiste a observé qu’à un moment, un jeune s’est même approché de la plateforme quand elle est arrivée à la hauteur du nid, raconte Sarah Gagnon, de Faucon Environnement. « C’est vraiment plus un signe de curiosité que de stress. On lisait sur certaines pages Facebook que les parents semblaient stressés mais ce n’est pas ce qui a été observé sur le terrain », explique-t-elle.
Rappelons que les faucons ont l’habitude des milieux urbains et des mouvements en tous genres. Or, le fait que la plateforme élévatrice Fraco soit complètement ensachée dans un sarcophage opaque empêche les faucons de voir les travailleurs et qu’en conséquence, ils ne sentaient pas de menace particulière pour leur nid, même avec du mouvement à proximité.

Durant la semaine du 17 juin, les fauconneaux ont donc commencé à voler de leurs propres ailes. Ils ont été repérés sur différents points surélevés des alentours de Place Victoria, bien surveillés par leurs parents. Malheureusement, quelques jours plus tard, l’un des trois jeunes s’est effondré durant l’une de ses envolées et n’aura pas survécu à la chute, un phénomène qui n’est pas rare, explique la biologiste Andrea Brown. « Statistiquement, les troisièmes et quatrièmes fauconneaux d’une même couvée ont moins de chances de survie », explique celle qui a effectué la majeure partie des observations à Place Victoria. « À deux fauconneaux envolés, on peut vraiment dire ici qu’il s’agit d’une réussite pour cette famille », conclut la biologiste. Elle explique par ailleurs que le quatuor va probablement passer l’été dans le quartier, revenir au nid à l’occasion et que les parents vont continuer de nourrir les jeunes, au besoin, jusqu’à leur départ migratoire à l’automne.

Pour clore l’épopée dans le Vieux-Montréal de « notre » famille de faucons, soulignons la généreuse collaboration de Broccolini, qui a permis aux biologistes d’Environnement Faucon de monter dans un appartement inoccupé au 46ème étage de l’immeuble d’en face, pour leur permettre d’avoir une vue complète, en plongée, sur toute l’activité du nid à partir du balcon de l’appartement.

PLAN D'ACTION
Plan d’action soumis à la Direction de la gestion de la faune de l’Estrie, de Montréal, de la Montérégie et de Laval, qui s’est montrée satisfaite des mesures mises en place pour préserver le bien-être de la petite famille, à savoir :
- Mesures de contrôle et interdiction de passage à proximité du nichoir via l’intérieur de l’immeuble;
- Installation d’une toile opaque pour encore mieux dissimuler les travailleurs de MRF;
- Distribution de directives pour les travailleurs de considérablement limiter les mouvements de la plateforme élévatrice sur cette colonne pendant la journée;
- Décret qu’aucun travail de rénovation n’aura lieu sur le coin sud-ouest de Place Victoria avant que les fauconneaux aient définitivement quitté le nid familial;
- Mandater Faucon Environnement pour la réalisation d’un suivi comportemental trois fois par semaine pour monitorer d’éventuels changements de comportements et mettre en place des mesures supplémentaires au besoin.